FIGURES DE CHANTIER
LES BÂTISSEURS
À plusieurs reprises le chantier a fait irruption dans mon travail au cours des dernières années sous des formes assez différentes · récupération de matériaux à travailler, installations de sculptures et interventions corporelles dans ces lieux éphémères, photographies, etc. Mais à tout moment il a pris l’aspect d’un lieu métaphorique, à savoir celui du devenir « par excellence ».
J’ai cherché à cerner le permanent pour découvrir en ces endroits que la seule permanence est justement le changement. Le chantier y est d’autant plus symbolique qu’il donne à voir simultanément le chaotique de la destruction et une volonté humaine, pensée, calculée, architecturée, constructive.
C’est ce double aspect que j’ai voulu retrouver dans ces dernières sculptures, même s’il a fallu prendre un raccourci pour traverser le chantier.
La partie centrale est toujours la figure humaine très simplifiée quelque peu élémentaire. Elle se présente comme un « bâtisseur » en esquissant un geste ayant rapport à la construction. En portant un ou plusieurs objets en équilibre, en soutenant une charge, ou encore en imitant un toit par le geste. Ces figures sont intégrées dans un prolongement architectural (sculptural) de leur corps au point qu’elles-mêmes peuvent être considérées comme élément architectural. Le tout porte les traces d’un travail en cours de réalisation : traces d’enduit, de peinture, de rouille, de ciment, certains éléments semblent posés provisoirement et la construction finale inexistante reste ouverte à l’esprit et se poursuit dans un espace mental.
La figure humaine est donc placée dans un inachevé permanent ou si l’on préfère un achevé provisoire et arbitraire.
Tout est devenir, mon désir le silence, l’immobilité, regarder la neige tomber.
Axel Cassel – Paris le 01 avril 1989